« Le fait de distendre le temps permet au récit de devenir roman. »
Sophie Adriansen : Votre dernier roman, « Dieu surfe au Pays basque », aborde le thème de la fausse-couche d’une femme au travers des yeux de son mari. Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire sur ce sujet ?
Harold Cobert : L’idée ne m’en est pas venue parce que j’avais moi-même vécu cet évènement douloureux. Mais, parce que j’étais passé par là, j’en ai un peu parlé autour de moi ; et, assez simplement, les langues se sont déliées. La mère d’un des élèves à qui je donne des cours particuliers, par exemple, m’a raconté son expérience, m’expliquant qu’elle-même avait failli mourir. J’ai réalisé que les femmes, elles non plus, ne parlaient pas de cela. J’ai pu mesurer l’écart entre la banalité statistique, puisque deux femmes sur trois font au moins une fausse-couche dans leur vie, et les drames intimes, secrets, qui ont parfois des conséquences catastrophiques.
Depuis mon premier roman, je m’emploie à donner la parole à ceux que l’on ne veut pas entendre : les représentants de la génération X, une génération sacrifiée à laquelle j’appartiens, une sorte de ventre mou entre les soixante-huitards et la génération Y dont on parle beaucoup en ce moment, dans « Le reniement de Patrick Treboc », ceux qui vivent dans la rue dans « Un hiver avec Baudelaire », Mirabeau que l’histoire a plus ou moins bafoué dans « L’Entrevue de Saint-Cloud ». J’aime cette idée de me faire porte-voix.
On ne parle pas de la fausse-couche, et encore moins de la façon dont la vit le père, qui se retrouve dans une espèce d’angle mort. Lui, on ne lui donne jamais la parole. Lire la suite →