La flamme

Avril 2015. C’est la première fois que je suis invitée dans un établissement scolaire pour rencontrer des élèves. L’enseignante de CE1 leur a lu « Max et les poissons », une de mes premières publications jeunesse.
Mais la mairie de S., en Seine-et-Marne, est aux mains du parti qui a fait le plus haut score dimanche aux européennes. Et cette invitation ne plaît pas à tout le monde.
Car Max, mon petit héros qui a leur âge, est juif et raconte comment, avec sa famille, il a été arrêté par la police française le 16 juillet 1942, lors de la rafle du Vel d’hiv. Et les enfants ont préparé ma venue. Dans certains foyers, les parents se sont émus qu’on évoque en classe « ce genre de sujets ». Ils ont protesté auprès du directeur de l’école. L’enseignante a maintenu son invitation, soutenue par sa hiérarchie.
Le jour J, l’académie a dépêché deux inspecteurs pour assister à la rencontre et s’assurer que rien de nos échanges ne contrevenait aux principes de l’Éducation nationale…

Ils sont repartis rassurés. Ce jour-là, j’ai loué l’école de la République qui permet aux enfants d’entendre en classe des pans de l’Histoire qu’on refuse parfois d’évoquer à la maison. Et je n’ai jamais oublié le petit garçon assis au premier rang, un de ceux qui n’avaient « pas le droit » d’aimer mon livre et qui, par loyauté familiale, n’a pas osé lever une seule fois les yeux vers moi.
Neuf ans plus tard, je réalise que cette première rencontre scolaire était véritablement un baptême du feu.
Et je sais que si la flamme s’installe plus largement dans le pays bientôt, elle brûlera aussi toute une partie de notre Histoire.

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