Placement libre, Ella Balaert

Présentation de l’éditeur :

placement-libreUne femme achète deux billets pour aller voir avec son ami, deux jours plus tard, une pièce de théâtre interprétée par un de ses acteurs préférés. Les billets sont en « placement libre ». À peine sont-ils imprimés que ces deux mots, pris dans les mailles d’associations douloureuses, réveillent son angoisse de n’avoir pas sa place ici-bas. Une partie d’elle regrette déjà cet achat. La narratrice est toujours en interrogation sur sa légitimité à occuper l’espace, à avoir une place sociale ou à réussir ses relations familiales et amoureuses. Elle ressent constamment un certain décalage. Elle est alors en passe de se décourager, de renoncer à se battre. Elle a quarante-huit heures pour décider que faire : de ses billets, d’elle-même…

 

C’est un roman très bref, resserré, qui se déroule sur les quelques journées qui entourent la date du spectacle pour laquelle la narratrice vient d’acheter des places. Dès l’achat effectué, ledit spectacle prend toute la place, détermine tout, oriente tout dans la vie de la narratrice.

placement-libre101Le placement libre vire à l’obsession.

« La tête te tourne un petit peu. Tu l’avais vu indiqué sur ton écran ce n’est pas une découverte que t’arrive-t-il, c’est à cause de ça n’est-ce pas, le goût de bile du billet, tu ne savoures rien du tout en fait, tu as deux places pour aller voir Denis Prigent mais si ça se trouve tu n’y verras rien, tu seras mal placée parce que les billets sont en Placement libre. Tu n’aurais pas dû réserver ces places. Où iras-tu t’asseoir? Et si tu es au dernier rang? Et si un chapeau ou si un chignon (oh comme tu le vois ce chignon avec une grosse barrette plantée dedans) vient se poser juste devant toi et te cacher la vue?
Que tu regrettes d’avoir acheté ces entrées au théâtre !
C’est le problème du placement libre : trois fois sur dix tu es mal placée et dix fois sur dix tu as peur de l’être. Tu prends en main la feuille de papier. Tu ne quittes pas des yeux le mot placement le mot libre. Tu ne verras pas Denis Prigent, tu le sens quelque chose va t’en empêcher. C’est écrit, là. »

Ce roman parle moins de théâtre que de capacité à s’imposer, à se sentir l’égal(e) des autres qui composent le monde dont nous sommes. S’imposer se fait-il nécessairement au détriment des autres ?

Ces pages, au cours desquelles naît une surprenante tension vers l’événement, sont un délice tant la langue qui y est proposée est juste et colle au propos.

Dans cette spirale ascensionnelle qui aspire la narratrice, Ella Balaert interroge cette question de la place dans l’existence et invite à s’écouter pour mieux trouver sa manière, unique, forcément unique, d’être au monde.

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J’ai écrit ce roman dans une grande colère et une réelle inquiétude. Je le dédie à toutes celles et tous ceux qui se sentent exclu-e-s du monde, qui n’y trouvent pas, ou plus, leur place, pour qu’ils ne retournent pas cette injustice en violence contre soi ou contre autrui. E.B.

Éditions Des femmes, 2016, 96 pages, 13 euros

 

 

Petites phrases :

 

« Inventer, ce n’est pas mentir, c est ouvrir l’espace, laisser de l’air aux choses, aux gens. » (page 64)

 

« Dis où tu es, on te dira qui tu es. Dis où l’on peut te voir, on te dira si tu existes. » (page 78)

 

« On naît assigné à résidence sur sa place à soi, dans sa famille et à son rang. » (page 97)

 

« Les morts ont la bouche pleine de mots tus. » (page 99)

3 réflexions sur “Placement libre, Ella Balaert

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